Archives éditoriales

ACCUEIL
EDITION
PRESSE

lign-1

MAI 2015

"Oum el Dounia, La Mère du Monde"

 flo-lde

Après cinq ans de travail, voilà que paraît enfin l’ouvrage collectif que j’ai dirigé pour la collection encyclopédique « Bouquins » : Le Livre des Egyptes, qui, tout au long de ses 1024 pages, réunit de fins spécialistes, des écrivains, des psychanalystes, des philosophes, des journalistes, des musicologues, des fous de Bd, de rap et d’opéra, de littérature et de péplum, pour tenter de répondre à ces questions : Pourquoi sommes-nous tellement fascinés par ce pays ? En quoi sommes-nous dépositaires de cet héritage unique ? Une approche collégiale qui montre aussi les liens qui depuis toujours unissent l’Orient et l’Occident. Envers et contre tout. C’est un bonheur d’avoir pu composer ici une manière de chant choral où des voix de tessitures différentes subliment une même partition, cette Égypte, qui, tel un « miroir à facettes », reflète nos rêves et parfois nos fantasmes. C’est un honneur de publier ce livre-hommage dans une telle collection, qui se veut un cabinet de curiosité. Et où l’on peut se promener à loisir en allant de découverte en découverte. Ainsi Le Livre des Egyptes avec ses articles savants mais aussi ses contributions drôles et pittoresques autour des multiples avatars de l’égyptomanie, qui ont pris si souvent le charmant visage de Cléopâtre…
Ne surtout pas s’ennuyer, picorer ça et là des anecdotes sur ce qu’écrivait Flaubert à propos des "almées" du Caire, découvrir chez les Fatimides du Moyen-Age les premiers égyptomanes et leur obsession des trésors, s’amuser de la légende tenace de la malédiction des pharaons ou encore s’étonner de l’engouement de certains écrivains pour les belles momies endormies… mais aussi se passionner pour le « décor d’origine », c’est à dire l’une des civilisations les plus abouties de l’humanité et que l’égyptologue Jan Assmann nous dévoile en dix aspects dans la toute première partie. Et puis, à chaque page –puisque telle était la « commande » initiale passée à mes 50 auteurs- sentir cette marque indélébile laissée par l’Égypte ancienne sur le judéo-christianisme, l’islam, le néo-platonisme de la Renaissance, le Siècle des Lumières ou la franc-maçonnerie, l’Expédition de Bonaparte ou encore les voyages en Orient de nos grands écrivains. Jusqu’à aujourd’hui où chaque nouvelle découverte archéologique nous fait rêver, palpiter…
Quelle autre civilisation ancienne bénéficie d’un tel prestige, d’une telle fascination collective ?

L’ampleur de ce travail « pharaonique » n’est rien face à la joie d’avoir servi et célébré au mieux, je l’espère, ce pays qui, comme l’écrivait Michel Butor, fut pour moi « comme une seconde naissance dans ce ventre allongé suçant par sa bouche delta la Méditerranée ».

Florence Quentin

 

lign-1

 

 

JUILLET 2014

 

« Inondation de la Voie Lactée les deux étoiles devront dormir sur les rochers. »

 

                                                                                                                                                       Basho,Seigneur ermite

EDITO-JAPONll faut flâner sans but ni boussole dans les jardins de Kyoto pour goûter toute la saveur des haïku, ces poèmes fulgurants qui traversent la tête comme des étoiles filantes. Celui-là est du poète et ermite Bashô, qui vécut au XVII e siècle au Japon et fut nourri de culture chinoise et de philosophie zen. Il est considéré aujourd’hui comme le plus grand de ces écrivains de l’impalpable. Basho aura aussi beaucoup voyagé, en solitaire le plus souvent, et ces rencontres et méditations lui auront inspiré des kiko (carnets de voyage)   rédigés dans une prose rythmée où viennent se nicher, comme des joyaux enchâssés, des haïku. Au bord du vide, ils sont cristallisation d’une émotion face à la nature, méditation écrite et quête perpétuelle de légèreté et de simplicité. En mars dernier, j’ai eu le privilège de parcourir, poèmes de Basho en poche, cet archipel définitivement insolite qu’est pour nous le Japon, avec ses beautés et ses contradictions. Où nul lieu, nulle rencontre ne laissent insensible. A Isé, sur la côte Pacifique, les temples shintô dédiés à la grande déesse solaire Amaterasu sont détruits puis reconstruits à l’identique tous les 20 ans. Neufs et paradoxalement toujours les mêmes. « Anti-ruines » à la valeur d’éternité qui interrogent notre rapport au temps, au sacré, à l’impermanence mais aussi à la monumentalité dont l’Egypte est assurément l’un des exemples les plus éblouissants.  L’automne 2013 était justement celui du soixante- deuxième transfert et de la reconstruction des sanctuaires d’Isé. Ce rituel, vieux de 1300 ans, occupe une place très importante dans la spiritualité japonaise, et plus encore depuis la catastrophe de 2011 : 14 millions de pèlerins se sont rendus à Isé en moins d’un an contre 8 millions et demi les autres années. Un phénomène collectif « qui ne peut que s’expliquer par les conséquences des tsunamis : ce séisme nous a permis de réaliser que notre société était menacée de déclin spirituel », m’a ainsi confié Shigeatsu Tominaga, Président de la Fondation Franco-Japonaise Sasakawa, lors de la clôture des cérémonies d’ Isé que nous avons partagée le 10 mars dernier. En dépit de sa modernité, et après la catastrophe de Fukushima, ce pays s’est en effet très sérieusement demandé si à travers ces tsunamis destructeurs, la voix des kami, ces Esprits qui résident en toute chose et sont vénérés dans le shintoïsme, ne s’étaient pas fait entendre… Les Japonais auraient-ils négligé à tel point la nature que ses « gardiens » ancestraux se seraient violemment fâchés ?  Interrogation peu rationnelle de la part d’une des grandes puissances économiques mondiales mais qui rejoint pourtant l’admonestation indignée des scientifiques qui tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme face aux conséquences du réchauffement climatique. A Nara, j’ai traversé la forêt primaire sous les frondaisons sombres des cyprès, et ce silence habité m’a saisie avant que ne surgisse, au détour d’un sentier, le grand sanctuaire shintoïste de Kasuga Taisha, parfaitement intégré dans l’environnement avec ses hauts piliers orangés tranchant sur le vert des arbres. Dans le dialogue que j’ai noué avec le Supérieur du sanctuaire, j’ai senti que oui, comme l’écrivait Rilke dans ses Sonnets à Orphée, nous avons encore besoin des dieux et des déesses pour nous (r)éveiller. Pour ce prêtre – indéchiffrable au début de notre entretien, droit dans son hakama de soie violet-, le shinto nous apprend d’abord à vénérer la « Grande Nature ». Et si ici même, au pied des deux monts sacrés jadis vénérés comme lieux élus par les kami pour descendre sur terre, il perpétue des rites sans âge, c’est pour contribuer à la paix du monde et à la protection de tous les êtres vivants. Avant de repartir vers Tokyo la mégapole, je l’ai salué une dernière fois. Il m’a invitée à revenir, plus longtemps, dans ce lieu hors du temps, ajoutant qu’aucune rencontre ne relevait du hasard. Et m’a glissé, encore : « La Nature bruisse d’Esprits que nous n’entendons plus ». Cette Nature qu’à mes yeux, la déesse Isis incarne si parfaitement, et vers laquelle il nous faut sans attendre « retourner, par un radieux oubli de soi «  (Hölderlin).

 

lign-1

MAI 2014

 

« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards, ni patience. »

                                                                                                                                                       René Char

MEMO0018Ne rien troubler, ne rien changer : est-ce vraiment le signe d’une existence réussie ? Et si le vrai sens du « venir au monde » résidait dans cet espace de liberté (il nous en reste peu, après tout) qui a pour noms : ouverture au changement, disponibilité envers ce qui nous est inconnu, accueil de l’imprévu. Même si cette disposition d’esprit vient à bouger nos lignes, à déranger ce que nous pensions immuable, stable, rassurant. Et au-delà de cette disponibilité au « nouveau », dans la volonté de changer ce qui nous entoure, avec et parfois contre notre environnement. Choisir de « troubler » l’ordre des choses (dans la mesure, bien sûr où cela ne relève pas d’une attitude nihiliste ou bêtement rebelle, donc vaine) quand la plupart d’entre nous craignent, au fond, de se défaire des aliénations qui les entravent, quitte à se déliter lentement, à se figer en statue de sel comme la femme de Lot, ainsi transformée parce qu’elle avait regardé en arrière, voilà un acte vraiment subversif aujourd’hui ! Mais plein de vigueur et de sève.Les femmes mystiques, histoire et dictionnaire ne nous parle que de ça : de l’existence incandescente d’héroïnes indomptables, qui à travers le temps, et avec plus ou moins de bonheur selon les époques qui les tolérèrent ou non, développèrent une union personnelle et ardente avec le divin. Souvent en marge des institutions. Me voilà donc honorée et ravie d’avoir contribué à cette entreprise de longue haleine (répertorier plus de 500 femmes mystiques de toutes les traditions, de l’Antiquité à nos jours) en rédigeant deux notices de ce dictionnaire inédit*, l’une sur Anne-Catherine Emmerich, visionnaire allemande (1774-1824) et l’autre sur la philosophe Simone Weil (1909-1943), deux femmes aux antipodes l’une de l’autre mais réunies par leurs existences vouées à l’absolu. Deux sœurs ardentes qui ne craignirent jamais de « troubler » ni leur âme, ni leur époque. Car « troubler » c’est d’abord s’attaquer de pied ferme à soi-même, et tenter d’y déloger ce qui relève de l’ancien, du déjà mort en nous. Au fond, de ce dont nous avons porté le deuil trop longtemps.Le philosophe indien Krishnamurti l’avait bien pressenti lorsqu’il écrivait : « Sans transformation de l’individu, il ne peut y avoir aucune transformation radicale dans le monde."

 

lign-1

MAI 2013

 

« Les religions, que l’on avait crues vouées à   s’effacer devant le bulldozer de la sécularisation, réinvestissent le théâtre du monde. »

                                                                                                                                         (Sciences humaines, n°200, 2009)

 Que son étymologie trouve son origine dans « religare » (relier) pour désigner le lien qui unit l’homme au divin et les hommes au sein d’une même communauté ou encore dans « relegere » (attention scrupuleuse, dévotion cultuelle), le fait religieux traverse de ses fulgurances –riches ou tragiques- nos sociétés. Ainsi, quelle que soit notre position personnelle dans ce domaine, comment écarter cette dimension (celle où s’inscrit tel candidat à la Maison Blanche, tel dirigeant post Printemps arabe ou encore telle communauté, ici ou ailleurs) de l’analyse que nous faisons du monde ?. Depuis septembre, j’ai la chance d’assurer la rédaction en chef d’un magazine qui se veut laïc et qui donne ainsi la parole à toutes les confessions : Le Monde des religions. La direction d’un dossier sur les apocryphes juifs et chrétiens (ces textes passionnants qui furent écartés un jour de la littérature officielle ou canonique, voir infra l’émission Religions du monde, sur Rfi) et celle d’un hors-série sur « La Planète des chrétiens » ont nourri ma réflexion sur la nécessité, encore et toujours, de clarifier, d’expliquer aux lecteurs en quoi la connaissance de l’histoire et des pratiques des religions du monde nous invite à modifier notre regard sur ce que nous ignorons et à ce titre, parfois nous inquiète : « Sans ouverture, notre enracinement dans une tradition particulière, peut devenir sectaire, peur et enfermement dans des reflexes identitaires », écrit à raison le théologien chrétien Jean-Yves Leloup. Ces mois à la direction d’un grand magazine d’information culturelle et religieuse m’ont aussi permis de rencontrer des intellectuels engagés (et athées) comme l’anthropologue de tous les combats féministes, Françoise Héritier, ou encore ceux que certains considèrent comme d’authentiques « maîtres spirituels », que ce soit le tibétain Ponlop Rinpoché, lama résolument « moderne » qui enseigne aux USA ou encore l’Indienne Amma qui, dans la tradition des « grandes mères divines » (Isis n’est pas loin !), prend des dizaines de milliers d’adeptes dans ses bras de par le monde. La quête de sens, chacun est libre de s’y engager, Dans la mesure, bien sûr, où l’on y conserve son intégrité, sa liberté de pensée et son ouverture à l’indispensable altérité.

lign-1

 

FEVRIER 2012

 

« Seul l’enthousiasme est la vraie vie. »

                                                 

C’est sur cette déclaration, quasi provocatrice aujourd’hui, que je voudrais ouvrir ce site. C’est un défricheur de génie, un audacieux, et un homme peu conventionnel qui l’a faite : Jean-François Champollion, le découvreur du sens des hiéroglyphes qui, contre toute attente, en 1822, a rendu voix à la vieille Egypte. Et ce choix n’est pas anodin. A chaque page, vous lirez que ce pays hante ma vie et mes livres comme un lieu où pour moi tout s’origine. Mais si je n’oublie pas ce qui m’enracine, pour autant, je ne perds pas de vue le monde, son actualité et ses mutations. Pris dans ses convulsions et ses contradictions, mais surprenant par sa créativité, par ses révolutions et ses solidarités inattendues, ce monde, oui, suscite mon indignation, souvent, mais aussi, et encore, mon enthousiasme. C’est aussi ce lien entre une Antiquité solaire et notre univers quotidien que j’ai tenté d’établir dans mon dernier essai : « Isis l’Eternelle » (Albin Michel, à paraître le 2 mai). Où comment un grand mythe pharaonique, à travers d’innombrables et de passionnantes mutations, s’actualise, dans toute sa vitalité, et en quoi il peut encore faire sens pour chacun(e) de nous. L’enthousiasme, au fond, parvient-on jamais à s’en guérir ?

lign-1